Clem & Ced in USA

5 août 2008

Mr. Karl, sculpteur de métal

Filed under: Le voyage 2008 — Ced @ 6:09

Désolé de vous avoir fait attendre si longtemps… C’est mon coup d’essai. Et en plus j’ai oublié de le publier, ça fait quelques jours qu’il traîne dans les brouillons…

Clem a écrit dans son dernier (maintenant ce n’est plus le dernier, mais bon) billet :

Ced en a parlé avec lui, j’ai décroché. Il faudrait qu’il intervienne pour vous éclairer.

Les désirs de ma douce étant des ordres, voici mes lumières ^^. Je vais essayer de décrire à ma façon notre visite chez Mister Karl, Easton, PA. Malheureusement je n’ai pas la mémoire eidétique de Clem, mais c’est suffisamment récent pour que je me souvienne de quelques détails.

Il faut préciser que nous n’avions pas prévenu Karl de notre arrivée avant, il ne s’attendait pas du tout à avoir notre visite, et il nous connaissait à peine (un quart d’heure de discussion sur un banc d’aéroport, c’est pas énorme ^^). Nous ne savions donc pas du tout à quoi allait ressembler cette visite impromptue chez lui.

Quand nous sommes arrivés chez Karl, il travaillait sur une sculpture. Il nous a fait entrer dans une cour intérieure où il entrepose une trentaine de sculptures. Cette cour donne sur son atelier de travail et permet d’accéder à sa maison. Il nous a fait entrer dans son atelier pour nous montrer en quoi consiste son travail de sculpteur. Il est sculpteur de métal, ce qui l’oblige à travailler avec des outils puissants pour fondre le métal, le tordre, le découper, le souder, le poncer. Les murs de l’atelier sont couverts de dizaines d’outils électriques : la sculpture de métal est clairement une activité moderne. Il nous montre la pièce sur laquelle il travaille, un truc indéfinissable plus haut que nous, suspendu par des grosses chaînes au plafond, qui dégage l’odeur de métal chauffé que j’associe aux gares. Karl nous explique en quoi consiste son travail : avec son apprenti, ils choisissent des pièces de métal — principalement de l’acier — dont la forme est intéressante, ils les découpent avec un chalumeau très puissant, les tordent avec des pinces et des machines, les agencent ensemble en les soudant, en font une seule grande pièce de métal. Certaines pièces sont peintes. Karl fait de l’art abstrait. Ses oeuvres sont massives et simples en apparence. Pas question de faire de la dentelle lorsqu’on manie des blocs qui pèsent des centaines de kilos… L’intérêt réside dans ce qu’on voit dedans.

Karl nous a ensuite fait faire le tour de sa cour où il entrepose pas mal de pièces. Pas mal de sculptures et pas mal de bout de métal, de matériau brut à travailler. Il nous a expliqué qu’il se fournit chez un ferrailleur en général, mais aussi qu’à l’occasion il récupère des stocks de métal des usines métallurgiques qui ferment — Lehigh Valley est une ancienne région sidérurgique.

A ce point-là on avait bien fait le tour de son travail de sculpteur. On ne savait pas trop ce qui allait suivre, mais il nous a invités à rentrer dans le bâtiment principal qui contient son appartement. Il s’agit d’une ancienne manufacture, très vaste, dont une partie lui sert d’appartement et l’autre de salle d’exposition. On commence par les salles d’exposition. Il y a une immense oeuvre, 5 mètres de haut je pense, qui tient toute une salle. Il nous explique que c’est une oeuvre sur laquelle il a travaillé pendant plus de 30 ans, puisqu’il a commencé sa carrière de sculpteur avec une première version toute petite de cette oeuvre. C’est ça qu’il avait en lui quand il a commencé. Une oeuvre avec des formes très rondes, qui change complètement de profil suivant l’angle où on la regarde, avec quelque chose de cubiste dans le rendu des dimensions de l’espace. C’était sa première oeuvre, ou une de ses premières, et plus de 30 ans après il a décidé de revenir dessus en en faisant une version gigantesque, très impressionnante, surtout dans cet espace clos.

Il nous a ensuite montré une boite ouverte (en métal bien sûr) au fond de laquelle est imprimée une photo en noir et blanc d’une femme très belle, genre Hollywood des années 50.

Il nous explique que c’est la photo de sa femme qui s’est suicidée. Un ange passe. Nous commentons comme nous pouvons, mais que dire dans une situation pareille ? Il a le tact de passer rapidement à autre chose, et nous montre une oeuvre composée de deux pièces de métal, l’une qui repose par terre et l’autre suspendue en l’air. Il nous raconte que l’oeuvre n’était pas conçue comme ça à la base, et que c’est pour nettoyer le sol qu’un ouvrier a suspendue la pièce. L’idée lui a plu et la pièce est restée suspendue ainsi.

Après ça nous sommes arrivés dans son appartement. Et là ça change du tout au tout, nous passons de vastes salles métalliques et dépouillées à un appartement cossu, douillet, confortable, chargé de pièces de collection du sol au plafond, sur tous les murs, toutes les chaises, tous les meubles. Partout où nous posons le regard il y a des oeuvres d’art, des peintures, des photographies, et des sculptures. Et même encore d’autres trucs moins facilement catégorisables.

(Là c’est le point où je reprends la rédaction du billet 15 jours après et où je me dis, mon dieu, mais où en étais-je. Je vais tâcher de terminer le billet…)

Son appartement était de proportions normales, ce qui faisait bizarre après les grands espaces de ses salles d’exposition. Au premier abord la décoration paraissait un peu narcissique, puisqu’on reconnaissait plusieurs photographies et portraits de lui à diverses époques. Mais après tout, nous parlons d’un artiste, n’est-ce pas ? Il nous a emmenés dans son bureau et nous a raconté comment il avait acheté le bâtiment pour une bouchée de pain, puis comment il l’avait découpé et aménagé. De toutes les oeuvres qui traînaient dans ce bureau, je ne me souviens que de quelques-unes. Il y avait des Bouddha cambodgiens antiques. Il y avait des oeuvres modernes, faites par une connaissance à lui, suivant le procédé suivant : l’artiste fait une espèce de boule avec de la pâte thermo-solidifiante colorée et place un explosif à l’intérieur ; quand l’explosif… explose, la pâte se déforme et se solidifie en une forme éclatée. Il y avait un fauteuil en cornes de vaches, un style très en vogue en Amérique du Nord jusqu’à une époque récente, et absolument HIDEUX. Il y avait quelques peintures européennes classiques. Enfin il y avait plein de trucs, et c’était très hétéroclite.

Il nous a ensuite emmenés dans le grand salon à côté, qui contenait beaucoup d’oeuvres d’art africain. À l’entrée du salon se trouvaient une dizaine de grandes statues africaines. En fait pas vraiment africaines, puisqu’il nous a raconté qu’il avait combattu dans le sud-est du Pacifique pendant la seconde guerre mondiale, dans les rangs américains bien sûr. Ce qui ne nous rajeunit pas, n’est-ce pas. Dans les îles de Java, Bornéo et autres, il a acheté plein d’oeuvres d’art indigènes pour des bouchées de pain. Le commerce d’art du pacifique était florissant apparemment à l’époque, il a acheté pas mal d’oeuvres une fois revenu aux USA, jusqu’à ce que les gouvernements concernés décident de limiter l’exportation. Même topo avec les oeuvres précolombiennes qu’il nous montrera plus tard. Dans ce grand salon il y avait aussi quelques sculptures d’animaux je crois. Ensuite il nous a montré une chambre (il était visiblement déterminé à nous montrer chaque pièce de sa maison !) qui contenait une grande vitrine pleine de pièces précolombiennes, et surtout une chèvre empaillée avachie sur une chauffeuse à côté du lit, qui a beaucoup plue à Clem. À ce moment-là, pour ma part, je commençais à saturer au niveau des oeuvres d’art, et j’imagine que pour toi lecteur, c’est pareil. Mais il n’en avait pas fini avec nous encore… Il nous a fait passer par une petite pièce contenant, devinez, des oeuvres d’art, et un bassin avec des poissons d’agrément, pour arriver dans sa bibliothèque, laquelle avait ses murs couvertes d’étagères de livres, et dans laquelle trônait un fauteuil recouvert d’une peau de lion.

Ensuite, car il y a une suite, je ne sais plus de quelle manière, nous sommes arrivés dans une autre partie du bâtiment. Une première salle ressemblait à un entrepôt, avec beaucoup de cartons et de caisses. Il nous a montré des statues en papier mâché complètement affreuses, et nous a expliqué qu’il s’agit de Folk Art, c’est-à-dire de l’art populaire, le genre de trucs fait par des gens ordinaires en guise de passe-temps. Ce type ordinaire-là avait rempli une maison avec des statues en papier mâché peint de célébrités américaines. Quand il est mort, ses descendants ont décidé de léguer sa maison au musée de la ville. Le conservateur dudit musée a pris la maison et a offert les statues à qui les voulait, d’où elles ont atterri chez Karl. Les statues étaient emballées, et en en déballant quelques unes il est tombé sur Elvis Presley et sa guitare, en papier mâché peint. Une vision d’horreur.

La dernière salle était une salle d’exposition contenant plusieurs oeuvres jouant avec les espaces vides. Par exemple, une des oeuvres comprenait une pièce par terre et une autre accrochée au mur, dans la continuité, avec entre les deux la forme manquant silhouettée à l’adhésif rouge. Bon c’est un peu difficile à expliquer comme ça… D’autres oeuvres avaient des formes très organiques.

Et pour terminer ce récit, une anecdote sympa : la dernière oeuvre que nous avons admirée a fait réagir Clem qui lui a trouvé des connotations plus que très érotiques. Elle a expliqué à Karl ce qu’elle voyait, et celui-ci a répondu, amusé, que ce n’est pas du tout ce qu’il avait voulu mettre dans l’oeuvre, mais qu’il s’en souviendrait, pour sûr !

Après ça nous lui avons dit qu’il était vraiment l’heure pour nous de partir récupérer notre voiture. Il nous a proposé de déjeuner avec lui, mais nous avions plus envie de rentrer à Allentown pour le repas, et pour ma part je craignais d’abuser de son hospitalité. Il a été vraiment sympathique jusqu’au bout, et très chaleureux.

Merci à vous, Monsieur Karl !

Un commentaire »

  1. À mon tour d’être scotchée… Super intéressant ! Du coup, tu devrais signer « BigCed ». Tu avais pris des notes ou quoi??? Cela nous console presque d’avoir tant attendu. Par contre, dommage que l’on ne puisse pas agrandir les photos pour mieux admirer.
    P.S. Qui est cette jolie asiatique à côté du maître ?
    Bisous et continues.

    Commentaire par Mounie — 6 août 2008 @ 8:44 | Réponse


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